lundi 30 mars 2015

Mon ricochet généalogique

Comme je vous le disais, cela fait plusieurs mois, voir plus d'un an que j'ai arrêté de remonter dans mon arbre, pour me concentrer sur la recherche des photos anciennes de mes ancêtres, en recherchant donc les descendants de mes ancêtres nés au cours du XIXème siècle afin de les contacter.

Bien évidemment, l'envie me démangeait de reprendre ma généalogie ascendante, et je me rabattais sur des recherches à droite et à gauche pour aider mes connaissances faisant également de la généalogie, ce qui comblait un peu ma frustration mais en même temps me donnait encore plus envie de me replonger dans ma généalogie, mais je voulais faire ça de manière posée.

Sauf que mardi dernier, ce fut plus fort que moi.

Je décide de reprendre une branche que je n'avais pas beaucoup remontée, sur laquelle j'avais travaillé au tout début de mes recherches, et que j'avais vite mise de côté à cause de quelques doutes sur les lieux de naissance et de décès, assez mal écrits dans les actes.

Mon arbre au stade où je l'ai repris. Lieux de naissance et de décès de Jean LAUDET à vérifier.
Et on voit bien que c'étaient mes tous débuts, je ne m'intéressais pas aux fratries. Je n'ai ajouté aucun frère à Pierre LAUDET alors que sur cette période, c'était très facile à faire grâce aux tables décennales. 

J'ai commencé un peu avant de devoir aller à la boxe à 20h30, en pensant que ça ne me prendrait pas beaucoup de temps, au début en cherchant simplement l'acte de baptême de Jean LAUDET, né le 04/02/1783 à Luzy (Nièvre) que je n'avais bizarrement pas dans mes archives, alors que son lieu et sa date de naissance étaient mentionnés dans ses deux actes de mariages dont j'étais en possession, l'un avec  Laurence LACROIX le 10 brumaire an 9 à Issy-l'Évêque (Saône-et-Loire), et l'autre avec mon ancêtre Jeanne DIRY le 01/06/1808, à Issy-l'Évêque également.

Acte de mariage de Jean LAUDET avec mon ancêtre Jeanne DIRY, qui me donne une date et un lieu de naissance que je n'arrivais pas bien à lire à l'époque. (AD de Saône-et-Loire)

Acte de mariage de Jean LAUDET avec Laurence LACROIX, où le lieu de naissance change un tout petit peu. (AD de Saône-et-Loire)

Bien que j'avais du mal à lire avec certitude le lieu de naissance de Jean LAUDET sur ces deux actes, une recherche sur Google m'avait permis de trouver cette commune, Luzy, dans la Nièvre, mais proche de Issy-l'Évêque, et pouvait donc très bien correspondre au lieu de naissance de mon ancêtre. Alors pourquoi avais-je rentré cette donnée dans mon arbre (avec un point d'interrogation pour le lieu tout de même), sans me donner la peine de chercher l'acte à la date indiquée, même si je n'étais pas sûr du lieu à 100% ? Apparemment, à mes débuts, il m'en fallait peu pour laisser une branche de côté !

Je trouve donc rapidement cet acte sur le site des AD de la Nièvre.
Les parents correspondent bien à ce que j'avais déjà dans mon arbre.

Acte de baptême de Jean LAUDET. (AD de la Nièvre)

A ce stade, j'avais juste repris directement mes recherches (si l'on peut parler de recherches, car jusque-là, j'avais simplement cherché l'acte de baptême à la date présente dans mon arbre, en 5min) à partir de Jean LAUDET en me contentant des informations que j'avais moi-même entrées dans mon arbre à l'époque, sans vérifier les actes de mariages en ma possession (mentionnés plus haut), ni l'acte de mariage de son fils qui m'avait pourtant donné des informations le concernant, comme ses date et lieu de décès (pour lequel j'avais également mis un point d'interrogation, l'écriture étant assez petite, et sans mention du département et pour lequel je ne m'étais apparemment pas plus donné la peine de chercher l'acte de décès que pour l'acte de naissance mentionné précédemment).

Acte de mariage de Pierre LAUDET (fils de Jean) que j'avais déjà en ma possession, avec mention du lieu et de la date de décès de Jean, qui m'avait posé quelques difficultés à la lecture du nom de la commune, sans précision de département. (AD de Saône-et-Loire)

C'est donc l'occasion de bien vérifier ma filiation jusqu'à Jean LAUDET, en appliquant l'article de Jean-Louis BEAUCARNOT dans le dernier numéro de la Revue française de Généalogie (n°217 avril - mai 2015), portant sur le "ricochet" d'acte en acte, pour lequel j'ai réalisé deux illustrations.

Je reprends donc les actes que j'avais déjà en ma possession et passe rapidement par l'acte de naissance et de décès de mon arrière-grand-père, qui est bien fils de Édouard KUEHN et Reine Adélaïde Marie LAUDET.
Pour ce couple, je n'ai malheureusement pas leur acte de mariage, celui-ci se trouvant toujours en Algérie et n'ayant pas été numérisé ni microfilmé. Mais la mention marginale de leur mariage présente dans chacun de leur acte de naissance me permet de confirmer que ces deux actes de naissance correspondent bien aux parents de mon arrière-grand-père.

Acte de naissance de Édouard KUEHN, mon arrière-arrière-grand-père, avec mention marginale de son mariage avec mon arrière-arrière-grand-mère Reine Adélaïde Marie LAUDET, prouvant qu'il s'agit bien du père de mon arrière-grand-père. (ANOM)

Acte de naissance de Reine Adelaïde Marie LAUDET, mon arrière-arrière-grand-mère, avec mention marginale de son mariage avec mon arrière-arrière-grand-père Édouard KUEHN, prouvant qu'il s'agit bien de la mère de mon arrière-grand-père. (ANOM)

Je peux donc me servir de l'acte de naissance de Reine Adelaïde Marie LAUDET, pour rebondir sur le couple suivant, ses parents, François LAUDET et Marie Félicie DELAFRAY.
J'ai l'acte de mariage de ce couple, qui me donne les parents de l'époux : Pierre LAUDET et Reine MERLIN. On en arrive donc à l'acte de mariage (avant-avant-dernière photo) que j'avais en ma possession, comme les précédents, et cet acte me conduit bien à Jean LAUDET, père de Pierre, et époux de Jeanne DIRY. Au passage, je me rends compte que je n'ai pas non plus l'acte de naissance de Pierre LAUDET, alors que la date et le lieu étaient dans mon arbre. Comme quoi j'étais très pressé à l'époque, et mon but était de remonter vite et loin, et si j'avais le lieu et la date de naissance dans l'acte de mariage, je ne vérifiais pas l'acte de naissance, et je passais directement au couple parent mentionné lors de ce mariage (d'ailleurs je viens de voir que je n'ai pas l'acte de décès de Pierre, qui aux dernières nouvelles vivait à Monceau-les-Mines, Saône-et-Loire, en 1882, lors du mariage de son fils)...
Donc hop, une petite capture de cet acte de naissance de Pierre LAUDET avant de filer à la boxe !

Après 2h30 de cardio et de combats, retour à la maison à 23h30. Le temps de manger un petit truc, de prendre une bonne douche et c'est reparti, pour en finir avec ce Jean LAUDET, dont je vais chercher l'acte de décès (pour rappel dont la date et le lieu sont mentionnés dans l'acte de mariage de Pierre, son fils), histoire d'avoir tous ses actes, confirmer son décès, et enregistrer son acte de baptême trouvé au tout début de ma reprise des recherches.

Donc je pensais qu'en 5 minutes, tout allait être bouclé, mais en fait ça ne faisait que commencer ! A minuit passé !

Je trouve très rapidement l'acte de décès en question, à la date indiquée dans l'acte de mariage de son fils, et sur la commune de Tazilly (Nièvre), ce qui confirme la lecture et ma recherche sur le lieu, malgré l'absence de mention de département, ce qui me faisait un peu douter à l'époque, puisqu'il s'était marié en Saône-et-Loire, même si c'était à côté.

Acte de décès de Jean LAUDET (AD de la Nièvre)

Et là, surprise, Jean LAUDET "époux de Simone PUZENAT".
Mince, au lieu d'être veuf de mon ancêtre Jeanne DIRY, ce qui m'aurait permis d'enregistrer tout ça et d'aller me coucher, il faut alors que je parte à la recherche de son acte de mariage avec cette Simone !

Dans les tables décennales de mariages de Tazilly, son lieu de décès, rien entre 1825 (décès de son épouse Jeanne DIRY) et 1939 (son propre décès).
Par contre, ces tables m'indiquent un mariage d'un Jean LAUDET avec Anne JONDOT en 1829, un autre mariage de Jean LAUDET, avec Marie PILLAN, en 1831. Mais combien de fois s'était marié mon ancêtre ?! A la base j'avais déjà un premier mariage avec Laurence LACROIX, un deuxième avec mon ancêtre Jeanne DIRY, et un troisième tout frais avec Simone PUZENAT, et si on ajoute ces deux mariages, ça en fait cinq en tout !

Comme ça n'a rien donné à  Tazilly, je cherche le mariage à Issy-l'Évêque, autre commune souvent mentionnée dans les actes concernant mon ancêtre (lieu de ses deux premiers mariages). Là, je trouve enfin la mention de ce mariage, ce qui me renvoie à l'acte, qui précise que Jean LAUDET est "veuf en quatrième noces d'Antoinette CHANLIAU", avec la date et le lieu de décès de cette dernière.

Acte de mariage de Jean LAUDET et Simone PUZENAT, indiquant lieu et date de décès des parents de Jean. (AD de Saône-et-Loire)

Du coup, j'obtiens également les dates et lieu de décès des parents de Jean, pour lesquels je n'avais que leur noms dans mon logiciel de généalogie.

Je retourne dans les TD d'Issy-l'Évêque et je trouve le mariage avec Antoinette CHANLIAU le 20/02/1827 où il est dit qu'il est "veuf en 3 noces de Françoise REMOND".

Extrait de l'acte de mariage de Jean LAUDET et Antoinette CHANLIAU. (AD de Saône-et-Loire)

Les TD me donnent un mariage avec Françoise RAYMOND, dont l'acte du 03/10/1825 précise "veuf en secondes noces de Jeanne DIRIS", "décédée à Issi-l'Évêque le dix neuf juin mil huit cent vingt cinq", ce qui correspond au décès mentionné dans l'acte de mariage de son fils Pierre, ainsi que dans l'acte de décès que j'avais déjà en ma possession.

Extrait de l'acte de mariage de Jean LAUDET et Françoise REMOND/RAYMOND. (AD de Saône-et-Loire)

Ouf ! La boucle est bouclée !

Et ces Jean LAUDET trouvés dans les TD de mariage de Tazilly sont en fait des homonymes, peut-être ses frères, puisque en rédigeant l'article, et en relisant les deux premiers actes de mariage de Jean, deux de ses témoins s'appellent Jean LAUDET également, et sont mentionnés comme ses frères...

Bref cette reprise des recherches illustre parfaitement l'article de Jean-Louis Beaucarnot (même si comme beaucoup de généalogistes, j'applique cette méthode depuis longtemps, mais pas à mes tous débuts apparemment !), avec le problème des homonymes, et le ricochet à faire, sauf que là, au lieu du classique acte de décès, mariage et naissance, j'ai fait des ricochets d'acte de décès à acte de mariage, à acte de mariage, à acte de mariage encore, etc !
Du méga-ricochet !

A tout ça s'ajoute la lenteur due au fait que je n'ai pas refait de généalogie à proprement parler depuis longtemps, il faut se remettre dans le bain, s'y retrouver dans une branche que j'avais abordée au tout début.
Et au final, une recherche qui devait prendre 5 minutes m'aura envoyé au lit à 3 heures du mat' !

En réalisant ce dessin, je ne pensais pas que peu de temps après, j'aurai à appliquer un bel exemple de l'article que j'illustrais, et que les tables décennales allaient me mettre un peu dans le même état à cause des homonymes.

jeudi 26 mars 2015

La généalogie, une passion dangereuse !

Voilà presque deux ans que je n'ai pas publié sur ce blog !

Ce n'est pas pour autant que je n'ai pas eu d'activité généalogique, même si je fais régulièrement des pauses, et que ces derniers mois, sur ma branche française, j'ai arrêté de remonter pour me concentrer sur les contemporains pour trouver des photos anciennes de mes ancêtres (recherches sur lesquelles je ferai probablement un article).

Depuis, je suis également retourné là où j'avais commencé, en 2011, mes toutes premières recherches généalogiques : le Pérou (eh oui, je n'ai pas commencé par le plus simple ! J'ignorais totalement à quel point la généalogie était développée et facilitée en France !).
Certains d'entre vous auront sûrement déjà découvert une partie de mes "aventures" dans mon carnet de route, publié dans le numéro 212 de La Revue française de Généalogie en juin 2014.

Première page de mon carnet de route généalogique publié dans la RFG.

Depuis ce premier voyage généalogique, bien que ma généalogie française m'occupait pas mal, j'avais en tête de retourner au Pérou, continuer mes recherches, et interroger des anciens avant qu'il ne soit trop tard. Mais étant donné le coût du voyage, je reportais chaque année.

L'été dernier, je me décide enfin à partir, à la dernière minute, en achetant mon billet le 11 juillet pour un vol partant de Paris le 14 juillet !

Le vol arrivait à Lima, où je voulais passer le moins de temps possible, en essayant de voir un maximum de famille, en faisant plusieurs rencontres par journée. Une grosse partie des provinciaux partent vivre à Lima, et donc une très grosse partie des cousins de mon grand-père (que je n'ai jamais connu car mort en 1985, soit deux ans avant que je naisse) et de ma grand-mère (que je connais très mal, rencontrée quand j'avais 7 ans, puis en 2011 très rapidement, à cause de conflits familiaux), sur lesquels je comptais pour me raconter des anecdotes et la vie dans les villages de mes grands parents.

Il y avait aussi quelques centres d'archives que je voulais voir là-bas (Archives militaires, et Archives de la Nation), et j'avais repéré sur internet un vendeur de vieux livres, qui possédait des ouvrages que je cherchais : une monographie en deux volumes de Parinacochas, la province d'origine de ma grand-mère, et un petit livre sur le "peuple" dont était issu mon grand-père, que j'avais pu consulter à la médiathèque du Musée du Quai Branly. Ca faisait un moment que je voulais me procurer ces livres assez rares pour en savoir plus sur mes origines, l'arrivée des espagnols dans les régions concernant ma famille, etc.

J'ai donc pu faire tout ça en quelques jours, enregistrer mes grands-oncles et autres vieux oncles plus ou moins éloignés raconter plein de belles histoires, avec l'application dictaphone de ma tablette, que j'avais emmenée avec moi pour pouvoir montrer l'arbre assez facilement, sur l'application Geneanet, car c'était trop compliqué d'imprimer les différentes branches. Et elle me servait aussi à montrer quelques photos de famille et questionner les différents membres pour avoir plus de détails sur ces photos.
J'ai pu acheter les livres que je voulais, et me faire offrir un autre livre que je recherchais, récent celui-ci, sur l'histoire des alentours du village de ma grand-mère, donc un peu plus précis que la monographie, traitant un peu plus des familles, etc. Un peu plus précis, mais pas forcément très fiable étant donné que l'auteur (un cousin assez éloigné, de toute façon tout le monde cousine dans ces villages, sans que ça remonte à très loin non plus) ne se base presque que sur la tradition orale et en fait des affirmations dans son livre.

Les livres que j'ai pu me procurer lors de mon dernier voyage.

Aux archives militaires, ils n'ont pas trop envie de travailler, alors je n'obtiens rien, même pas vraiment d'explications. Dans la paroisse où ont été baptisés ma mère et ses frères et sœurs, la dame de l'accueil est très gentille, mais le prêtre est très désagréable et j'ai dû négocier ferme pour qu'il me laisse finalement chercher les actes de baptême de mes oncles, tantes et ma mère, et surtout de pouvoir les photographier. Car un de mes objectifs était de retrouver la trace du mariage religieux de mes grands parents, n'ayant que des versions différentes sur le lieu à chaque fois selon les témoignages, et en espérant que ceci me permettrait d'avoir plus de précisions sur la naissance de mon grand-père, dont je n'avais toujours pas trouvé l'acte de baptême (l'état civil n'existant pas encore dans le village où il est né à l'époque), alors que j'avais trouvé celui d'autres membres de sa famille.

Je prends le car un peu précipitamment aussi, pour une dizaine d'heures de route de nuit en direction d'Ayacucho, tout content de mes rencontres, avec de belles photos en souvenir, des enregistrements...
J'ai même eu entre les mains la photocopie d'une photo de mon arrière-arrière-grand-mère (grand-mère maternelle de ma grand-mère), ce qui était une belle surprise au Pérou, où la photographie n'était pas aussi développée qu'en France à l'époque.

Ayacucho est la capitale de la Région d'Ayacucho, où se trouvent les provinces natales de mes grands parents. Celle de mon grand-père est toute proche de la capitale, et celle de ma grand-mère à une vingtaine d'heures de bus. Ici, un oncle doit m'héberger. Le lien est assez lointain, je l'ai rencontré en 2011 en même temps que j'ai appris son existence, mais c'est grâce à lui que j'ai pu remonter une branche jusqu'à fin 1600, car il possédait des copies de testaments. Ces testaments étaient un autre de mes objectifs important, car ils se trouvaient aux Archives Régionales, à Ayacucho, et je comptais bien chercher d'autres branches que celles que cet oncle avait, lui, pour des histoires classiques de terrains et non pas pour la généalogie.

Vue sur la place principale d'Ayacucho

Le car part de Lima, il fait quelques arrêts à différentes gares routières, où d'autres passagers montent. L'étage est presque vide. A un moment, un gars vient s’asseoir à côté de moi, et me parle assez rapidement, en me demandant où je vais, et quand je vois qu'il est originaire d'une commune voisine de celle de mon grand-père, je lui parle un peu de mes recherches.

Il mange des biscuits et m'en propose. J'en mangerai deux.
Il était déjà tard avant tout ça et le sommeil venait, en regardant le DVD pirate qu'ils nous passaient.

Lorsque je me réveille, tout le monde est descendu, le bus est arrivé à destination, et je ne me serais pas réveillé si quelqu'un (personnel du bus ? Je ne saurais pas dire...) ne m'avait pas tapoté l'épaule pour m'avertir. Quelques secondes pour émerger et je me rends compte que la sangle de ma petite sacoche où j'avais mes papiers et mon argent était détachée. J'ai alors le réflexe de regarder dans mon sac à dos, et ma tablette avait disparu, tout comme mon appareil photo... Je m'affole, je me lève, mais je n'ai pas tous mes moyens, je suis comme saoul, je n'arrive pas à marcher droit, je n'arrive pas à parler clairement. Dehors, il n'y a plus personne, à part du personnel, et un autre passager, qui dit ne plus trouver son ordinateur portable...

Sur le coup je n'y avais même pas pensé, mais très vite les gens vont tous me dire la même chose : "Te han pipeado", "on t'a drogué".
Il est vrai que l'altitude aurait pu me provoquer ce genre de choses, mais ça n'a jamais été le cas avant, et pour que l'on me vole des choses qui étaient coincées entre moi et la vitre, il fallait que la personne soit sûre et certaine que je n'allais pas me réveiller.
Je ne pense pas que les biscuits y soient pour quelque chose, car je ne me suis pas endormi d'un coup juste après, je somnolais déjà avant, et je somnolais après. Il y a plus de chances pour que la personne m'ait fait inhaler quelque chose pendant que je somnolais, afin d'être sûre que j'ai un sommeil lourd et pouvoir chercher tranquillement dans mes affaires. Car à part la sangle qui avait été laissée défaite, on avait pris le temps refermer mon sac à dos, après avoir choisi la tablette et l'appareil photo, et pareil pour la pochette de mon sac-à-dos, où se trouvaient quelques câbles qui correspondaient à mes appareils.

J'ai eu un peu de chance dans le sens où on m'a (bizarrement) laissé ma carte bleue, mon passeport, et mes cartes d'identité péruvienne et française. Je pense que la personne n'était intéressée que par ce qui pouvait lui procurer de l'argent cash, une tablette et un appareil photo numérique se revendent facilement à bas prix, et les 400 euros que j'avais sur moi allaient directement dans sa poche.

Car de l'agence Civa, avec laquelle je pensais voyager en sécurité, pour une fois que je ne voyageais pas dans des petits bus miteux.

La police est arrivée très rapidement, mais a complètement bâclé son travail. Je suis tombé sur la moins compétente d'entre eux, qui faisait traîner les choses. Mes connaissances me disent que de toute façon, l'agence du car a dû payer la police pour taire un peu l'affaire, la corruption étant très courante là-bas.
Ils me feront faire un test d'urine, dans un gobelet en plastique jetable, identique à ceux qu'on utilise aux soirées, devant tout le monde en leur tournant juste le dos. C'est déjà hallucinant de faire faire ça dans un gobelet, mais encore plus, quand ils m'ont dit que les analyses se faisaient à Lima, donc à plusieurs heures de routes de là, avec rappelons-le, un gobelet, donc un récipient non hermétique, et qui n'est même pas fermé du tout en fait. Mais ça je n'en prendrai conscience que le lendemain, car sur le coup j'étais vraiment sonné, ailleurs, je ne réalisais pas tout...

Tous les jours, la police me dit de revenir le lendemain, que les vidéos tournées aux deux arrêts au début du voyage, au moment de la montée des passagers, allaient arriver, et qu'on pourrait voir si je reconnais quelqu'un. Au final j'aurai passé plus d'une semaine à Ayacucho, sans rien faire à part aller voir la Police qui me faisait tourner en bourrique.
Avec les 50 soles donnés par le personnel des différentes compagnies de la gare routière qui s'était gentiment cotisé en voyant ma détresse et mon état, j'ai pu me payer un rapide aller retour un après midi dans la commune où se trouvent les registres paroissiaux du village de mon grand-père. J'y trouverai enfin l'acte de mariage religieux des mes grands-parents, avec le lieu précis ! Je trouve également l'acte de baptême de mon arrière-grand-père, bien qu'il faudra le vérifier car il y avait également un homonyme d'après le fichier excel de la paroisse. J'ai ensuite passé la nuit dans le village de mon grand-père, et suis rentré le lendemain dans l'après-midi à Ayacucho. Dans ce village, une "tante" éloignée me dit que j'ai eu beaucoup de chance, qu'en tant qu'infirmière elle a déjà vu des gens ayant été drogués, dans un état assez alarmant, avec convulsions et autres trucs assez flippants. Bref, ç'aurait pu finir très très mal...

Je n'avais plus le temps, plus vraiment l'argent, et plus la motivation de continuer les recherches et le voyage.
Ce n'était pas que matériel, sur cette tablette j'avais de très précieux et émouvants enregistrements de témoignages, et sur mon appareil de très jolies photos...

Je finis par rentrer à Lima gratuitement, en me battant un peu avec l'entreprise de car avec laquelle j'avais voyagé.

A Lima j'en profite pour revoir quelques membres que j'avais vus à mon arrivée et reprendre quelques photos avec un appareil qu'on m'avait prêté.

Il ne me reste de toute façon plus beaucoup de temps avant de rentrer à Paris, où j’emmènerai tout de même avec moi un petit trésor à mes yeux : des broderies dont on m'avait si souvent parlé, que réalisait mon arrière-grand-mère sourde muette "Upa-Nati" (Natividad, la mère de ma grand-mère). Ces broderies sont d'autant plus importantes pour moi qu'elles m'ont été offertes par le demi-frère de ma grand-mère, dont j'avais appris l'existence en 2011 peu de temps avant de le rencontrer, et qui m'avait bien mieux reçu que ma propre grand-mère. C'est en partie parce qu'il était persuadé que je venais cette année 2014 que je me suis décidé à prendre mon billet, car "il m'attendait". J'ai bien fait, car il nous a quittés en décembre, avec ses histoires, anecdotes, son sourire permanent. Je regrette de ne pas être retourné au Pérou quelques fois de plus entre 2011 et 2014. Je ne l'aurai vu que 3 fois en tout, quelques heures, avec quelques coups de fil entre mon voyage de 2011 et celui de 2014, mais sa mort m'a vraiment affecté, un peu comme s'il avait été mon grand-père péruvien. Les enregistrements et les belles photos que j'avais avec lui se sont envolés avec le connard qui aura revendu mes appareils pour une bouchée de pain, mais resteront dans ma tête et dans mon cœur.

Les broderies de mon arrière-grand-mère Upa-Nati, offertes par mon grand-oncle Aquiles...